Page:Gourmont - Un cœur virginal, 1907.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
233
UN CŒUR VIRGINAL

colère. Son plan était de hasarder, à l’occasion, quelques discrètes insinuations.

« Je pourrais, se disait-il, prendre, moi aussi, l’attitude mélancolique et désenchantée. Elle est malade, ce serait un malade qui chercherait quelque réconfort dans les yeux de son compagnon d’infortune… Comédie ! Eh ! serait-ce tant que cela une comédie ? Ai-je donc trouvé dans la vie tout ce que j’y cherchais ? Si je l’avais trouvé, serais-je ici à rêver à la capture d’une jeune fille ? C’est mon droit, cela, puisque je l’aime, et tous les moyens seront loyaux, qui mettront au service de mon cœur les ressources de mon imagination. »

Mais l’occasion de prendre une attitude mélancolique et désenchantée ne se présentait jamais. Rose le considérait de plus en plus comme un architecte, louait son talent à diriger les ouvriers et ne faisait nulle attention ni à sa jeunesse, ni à son esprit, ni même à ses regards, qui étaient souvent assez vifs.

Par moments, il se décourageait. Le souvenir d’Hortense lui revenait. Ils avaient échangé quel-