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UN CŒUR VIRGINAL

d’or, pour remercier en ta personne la souveraine maîtresse des cœurs et des reins. Hervart, toi que j’ai envié, à cette heure, je te plains. Je te méprise aussi. Quoi, tu avais trouvé l’amour ingénu et absolu, tu avais trouvé en une seule créature l’enfant, l’amante et l’épouse, tu possédais le sourire de l’innocence et le désir de la femme, — et tu as laissé tout cela pour Gratienne aux baisers trop adroits ! Mais non, pas d’invectives ; honnête fonctionnaire, je te remercie. Oui, mais moi, est-ce que je vaux beaucoup mieux ? Ma Gratienne est une marquise, mais j’en ai une aussi. Non, je n’en ai plus. Je serai loyal. Je jette à la mer mon ancien fardeau, et je me mets à genoux devant toi, douloureuse jeune fille, les épaules libres et le cœur libre. »

Il n’arriva rien ce soir-là. Rose garda le silence. Son attitude avec Léonor fut celle des autres moments. Mais, pour conserver son amabilité coutumière, elle était obligée à de pénibles efforts. Léonor délibéra s’il ne prendrait pas la parole lui-même, s’il ne la questionnerait pas distraitement sur ce château de Martinvast « qu’il