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UN CŒUR VIRGINAL

belle ? En quoi le corps d’une femme est-il plus beau que le corps d’une autre femme ? Xavier avait aimé à caresser son sein, à l’écraser doucement sous sa main tiède. Et ne disait-il pas : « Comme tu es belle ! » N’avait-elle pas permis des frôleries plus secrètes et la main qui s’y égarait n’était-elle pas demeurée là avec plaisir ? Une vision contre laquelle elle lutta en vain lui montra Xavier agenouillé près de Gratienne nue et la couvrant de baisers. Gratienne, sérieuse et à demi pâmée, acceptait de faire le geste qu’elle avait refusé et qui l’avait fâchée, et tout finissait par des baisers confus où l’on ne distinguait plus rien que des corps et des membres nus tordus et enchevêtrés les uns dans les autres.

Une chaleur lui montait à la gorge, son cœur se resserrait ; elle voulut crier, se leva à demi, battit des mains et tomba évanouie.

Quand elle revint à elle, ce fut pour éprouver une grande lassitude et une grande peur aussi. Elle regarda tout autour d’elle, craignant d’y découvrir la réalité de la vision douloureuse