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UN CŒUR VIRGINAL

Elle s’appuyait sur Léonor, comme sur un autre mari plus vrai et plus fort, quoique lointain. Lointain ? N’était-il pas toujours présent à sa pensée ?

La peur, un matin, céda tout à fait. Elle écrivit, elle partit, elle arriva.

Elle tremblait, et elle trembla longtemps encore, après que les verrous étaient tirés.

Cette nouvelle fête fut vaine pour sa sensibilité. Léonor, étonné d’une froideur qu’il croyait avoir vaincue pour toujours, l’attribua à une défaillance de la tendresse. Il savait que les femmes ne palpitent qu’avec ceux qu’elles adorent, mais il croyait qu’elles doivent palpiter toujours. Il ne savait pas combien ces organismes fragiles sont capricieux. Il ne savait pas qu’il y a des femmes qui courent toute leur vie après un délire qu’elles ne retrouveront plus jamais. Alors il imagina qu’il n’était plus aimé, et il fut amer, car les hommes, volontiers, sont amers quand l’exaltation de leur maîtresse est trop modérée.

Hortense pleura.

« Ô mon rêve, mon beau rêve ! »