Page:Gourmont - Un cœur virginal, 1907.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
UN CŒUR VIRGINAL

banc, avec une certaine précaution, car il le savait peu solide. Redevenu romantique, avec la fortune et la noblesse, M. des Boys entretenait son domaine à l’état vétuste et sauvage ; sauf les pièces habitées et le potager, il n’y avait guère, en sa maison et aux alentours, que des murs salpêtres, des planchers pourris, des bancs moussus, d’inextricables buissons de ronces. Le lierre mangeait tous les murs, grimpait à tous les arbres. Près du ruisseau, une vieille tour semblait une cascade de verdure, dont les flots de lierre rejaillissaient jusque sur le dôme d’un vieux chêne aux bras morts se dressant comme des fourches. C’était assez beau. Les des Boys ne sortaient jamais que pour montrer à un étranger le spectacle de leur forêt vierge (ou visiter parfois les châteaux et les sites de la Hague). M. des Boys faisait de la peinture.

C’était le matin. Le bois était frais, encore humide. Le soleil, à travers les branches enlacées des hêtres, dessinait des fleurs sur le feuillage rigide des houx. Un petit marronnier, poussé