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UN CŒUR VIRGINAL

Martin ; il descendit rapidement de sa chambre et y courut.

À son retour, il trouva Rose dans le jardin. Depuis leurs fiançailles, elle vivait dans un perpétuel sourire. Elle entrait naïvement dans sa destinée, ne soupçonnant plus aucun obstacle possible à son bonheur. En même temps, sans doute par instinctive coquetterie, elle était devenue, non pas plus réservée, mais moins prompte aux jeux habituels. Elle parlait beaucoup de son futur ménage, voyant déjà le meuble du salon, dont elle jugeait par les catalogues illustrés, la couleur des tapis et celle des rideaux. L’idée de ce mobilier navrait M. Hervart, qui goûtait les meubles anciens, les trouvailles heureuses et les mêlait sans vergogne à des façonnages pratiques établis sous sa direction. Ce matin, il supporta plus malaisément encore ces bavardages ménagers. Il s’ennuyait.

« Est-ce que je n’éprouverais pour elle, se demanda-t-il, qu’un amour tout charnel ? Si je ne vois pas en elle, en même temps que l’amante, l’épouse, la mère, la maîtresse de mai-