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UN CŒUR VIRGINAL

Un peu bête, jadis sentimentale et pleine de romances, Mme des Boys avait voulu que l’on appelât sa fille, Rose, et cela aurait formé un nom ridicule si Rose eût été une fille à tolérer deux fois un sot compliment. Quoique rieuse et douce, d’ordinaire, elle était capable de froideurs terribles et d’inattentions cruelles. Ses parents l’adoraient et la redoutaient. On lui laissait faire sa volonté. Elle avait vingt ans.

M. Hervart, cependant, cherchait Rose. Il n’osait l’appeler, ne sachant quel mot choisir. Dans la conversation il disait : Vous ; devant des étrangers : Mademoiselle ; en lui-même : Rose.

« Elle était bien plus agréable, il y a deux ans. Elle m’écoutait. Elle m’obéissait. Elle me capturait des insectes. Maintenant, c’est le moment de la crise. Si nous étions des lygées… »

Mais il se reprit :

« Qu’elles soient des femmes, qu’elles soient des bestioles, l’amour, pour elles, est toute la vie. Les lygées vont mourir, leur œuvre accomplie, et les femmes commencent à mourir à