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UN CŒUR VIRGINAL

moins, souffrirait-elle moins dans un an ? Ses idées sur Gratienne étaient variables, d’ailleurs. Tantôt il lui accordait la vertu d’une femme mal mariée qui s’est donnée par amour à l’élu de son cœur ; tantôt, allant à l’extrême, il la voyait prostituée à tout venant. L’humble vérité lui échappait. Lui, pourtant homme d’expérience en ces matières, il n’avait jamais pu deviner que Gratienne était une fille adroite à concilier ses intérêts, ses plaisirs et ses besoins sentimentaux, et qui dissociait parfaitement ces trois termes. Elle aimait en M. Hervart l’amant sensuel, mais elle appréciait non moins en lui le fonctionnaire sérieux et riche. Car l’amour libre ressemble en cela aussi à l’amour légal que l’argent y réconforte le sentiment. Ainsi M. Hervart estimait Gratienne tantôt plus, tantôt moins, mais il l’aimait toujours également, n’ayant d’ailleurs à lui reprocher aucun manquement visible à leur contrat. Abandonner Gratienne le désolait, non point à cause du chagrin qu’il en éprouverait lui-même, mais à cause du chagrin qu’éprouverait certainement la jeune femme.