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UN CŒUR VIRGINAL

Elle s’appelait Gratienne. C’était une toute petite femme aux cheveux bruns très abondants. Son profil était charmant. Le contraste que faisait cette statuette avec Hortense, opulente Léda, amusa Léonor. Il trouva un corps souple, frais, et délicatement parfumé. Elle inclina le voluptueux Léonor à beaucoup de folies. C’était d’ailleurs une praticienne, et comme elle participait ardemment aux plaisirs qu’elle provoquait, il passa quelques nuits agréables. Les journées l’étaient beaucoup moins, car il devait subir de prolixes confidences. Il y avait parmi ses histoires quelques traits agréables, mais par vertu professionnelle elle se gardait de jamais prononcer aucun nom propre ; cela embrouillait un peu les anecdotes.

Un soir, cependant, elle eut un moment de distraction ou d’abandon et elle laissa Léonor feuilleter une petite collection de cartes postales :

— Et puis, ajouta-t-elle, puisque tu n’es pas de Paris, les noms ne te diront rien.

Léonor considéra des bateaux, des montagnes, des casinos, des baigneuses et beaucoup d’au-