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UN CŒUR VIRGINAL

Elle voulut saisir un ruban de varech, qui lui échappa. Léonor l’atteignit. Sorti de l’eau, c’était un long fouet visqueux. Elle remercia, embarrassée du présent.

— Rejetez-le, allez. Il en est de cela comme de la plupart de nos désirs. Dès qu’on les tient, on voudrait bien les rejeter à la mer.

Elle eut un petit rire triste et comme étranglé :

— Oh ! Pas toujours, dit-elle.

Ils revinrent vers les dunes et, assis sur le sable, ils causaient déjà comme des amis.

Elle le regardait avec insistance, quoique à la dérobée. Enfin, elle dit :

— Vous n’avez pas l’air méchant.

— Est-ce un compliment ?

— Dans ma bouche, oui.

Alors, s’échauffant peu à peu, elle parla sans arrêt. C’était un flot pareil à celui qui montait, mais plus rapide. Elle racontait sa vie. Léonor aimait chez les femmes équivoques ces sortes de discours. Il montra un grand intérêt, proféra tous les petits mots qui inspirent confiance. Léonor crut bien comprendre ceci :