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UN CŒUR VIRGINAL

cieux dans la vie que la constance d’un amour inconscient ? Je sais trop que j’aime Hortense, et je sais trop pourquoi je l’aime. Il est certain que le jour où elle m’apparaîtra moins belle, je me détournerai. Si j’en restais là ? Si je cherchais ? La variété vaut-elle la qualité ? Voyons si sur ces plages… Il faut utiliser mon état d’esprit, c’est-à-dire l’heureuse irritation de mes nerfs… »

Le hasard n’est guère que notre aptitude à profiter des circonstances. Léonor rencontra au bord de l’eau une jeune femme assez jolie, une jeune femme comme il y en a tant, et dont la toilette et la tournure ne disent que des choses indécises sur leur état. En toute autre circonstance, il eût continué, après un coup d’œil, à considérer à ses pieds la mort mélancolique des vagues, mais il se promenait précisément pour cela, pour rencontrer une femme qui se promenât seule : son désir créait le hasard. Un instant il eut peur qu’on ne lui fit des avances. Mais on passa. Il suivit. La jeune femme, longeant toujours le flot, s’éloignait des sables fréquentés.