Page:Gourmont - Un cœur virginal, 1907.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
UN CŒUR VIRGINAL

Rien ne l’inclinait à rire comme la prétention des femmes frigides à se faire un mérite de leur chasteté, et il s’étonnait, après tant de constats scientifiques, de l’obstination des hommes à considérer comme volontaires ou involontaires les explosions de l’organisme. L’influence de la conscience sur la conduite des hommes lui semblait nulle. Il démontrait cela chez lui à un de ses amis, professeur ecclésiastique, au moyen d’une horloge à poids qui ornait son cabinet. « Ce que vous appelez la conscience, disait-il, c’est le poids qui règle la sonnerie. Mais je puis l’enlever et l’horloge continue de marquer les heures qu’elle ne sonne plus. » Cet ami lui avait avoué que sa chasteté, très réelle, était tout à fait involontaire. Les femmes n’éveillaient en lui aucun désir. Il en avait fait l’expérience et n’avait obtenu, à grand’peine, qu’un résultat décevant. L’exiguïté de ses moyens avait fait rire la femme pourtant blasée qui lui consacrait ses talents. « Je crois, ajoutait-il, que la plupart de mes confrères sont dans le même cas. Quelques-uns, plus favorisés, usent de leurs facultés en