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UN CŒUR VIRGINAL

ne l’ennuyait nullement. N’ayant rien à désirer, il jouissait de vivre.

Il s’arrêta à Carentan, pour chercher la maison où cacher un lit, ne la trouva pas, mais découvrit une chambre meublée assez convenable. Le patron d’un caboteur anglais l’habitait parfois, mais on serait heureux d’avoir un locataire plus sobre. Tout sentait le whisky. Il s’en accommoda, fit nettoyer, paya très bien et ne cacha rien de ses intentions. « Oh ! répondit-on, l’autre y en amenait aussi. Pourvu qu’on ne fasse pas de bruit ! »

« En, songeait-il, voilà donc ce qu’elle sera pour ces gens. Elle en sera… »

Il partit, alla errer le long de la mer à Grandcamp, sans penser à rien qu’aux petites sensations du moment, qu’il voulait agréables. Il n’était pas de ceux qui se plaignent que les plages soient bordées de maisons, qu’il y ait des salles où se réfugier en cas de pluie ou de vent, des boissons pour faire fondre le sel dans la gorge, des nourritures, des lits et le mouvement d’une humanité médiocre, mais parfois curieuse. Ces