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UN CŒUR VIRGINAL

Léonor revenait sans idées lyriques, mais néanmoins très satisfait.

« J’ai une maîtresse et telle que je la voulais. Libertinage et sentiment. Ce mélange donne une odeur aiguë. Mais je ne la croyais pas capable de tant de liberté corporelle. Jamais elle n’aurait osé cela dans son milieu. Les êtres ne deviennent eux-mêmes que hors de leur milieu natal. Alors ils crèvent ou bien ils se développent selon leur logique physiologique. Les Bretonnes, dont Paris fait parfois de si agréables petites guenippes, sont, à l’ombre de leur clocher, de rêveuses prudes. Hortense est, comme on l’a dit de Marion, « naturellement lascive » : elle aurait pu mourir sans connaître l’art d’exercer avec fruit ce tempérament précieux. Elle semblait si gauche et si honteuse, quand elle se laissait aller dans nos premières rencontres !… Elle m’aime. Mais ne va-t-elle pas m’aimer trop ? Quitter son mari ! Non, qu’elle reste mon secret. »

Il était de fort bonne humeur, s’intéressant aux arbres, aux rivières et aux maisons. La monotonie des champs de pommiers et de bœufs