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UN CŒUR VIRGINAL

je sais, je n’aurais pas dû partir, j’aurais dû rester près de toi, à tes ordres, oublier tout ce qui n’est pas toi… Il fallait courir, il fallait me rejoindre, me retenir, m’enfermer ! Écoute, j’irai te voir toutes les semaines. Oh ! comme je vais mentir avec volupté ! Que je vais avoir de plaisir à regarder en face M. de La Mésangerie, pendant qu’il lira autour de mes yeux l’innocente lassitude de la voyageuse ! Mes enfants ? Eh bien ne sont-ils pas destinés à vivre ma vie ? De quelle Hortense seras-tu le Léonor, Pierre aux grands yeux, toi qui me ressembles ? Et toi, ma petite Anne, ta mère t’aimera-t-elle moins, parce qu’elle est heureuse ? Que ton mari soit ton amant, voilà ce que je désire… »

Le délire sensuel envahissait toute sa vie. Elle ne se souvenait presque plus des événements qui avaient précédé le voyage à Compiègne. Elle passa plus d’une heure à se demander s’il y avait aux environs de Saint-Lô, ou dans la forêt de Cerisy, des océans de fougères. Elle n’en voyait pas. Elle chercherait…

M. de La Mésangerie, qui l’attendait à la gare,