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UN CŒUR VIRGINAL

sa véritable vie. Elle voulut aussitôt consulter les horaires, et elle fit des combinaisons. Puis elle jeta le livret, en disant :

— Bah ! Il serait bien plus simple de divorcer !

— La vertu de votre mari s’y oppose, chère amie.

Elle n’insista pas. Pourtant, en ce moment, elle eût abandonné tout, famille, enfants, maison, fortune, honneur, pour suivre Léonor et devenir la femme d’un petit architecte à l’avenir encore incertain. Être la nièce de Lanfranc, dont la mère vendait des gâteaux aux enfants sur la place Notre-Dame, à Saint-Lô ! Elle lui en avait acheté, quand elle avait dix ans. Son instinct aristocratique se révoltait, mais elle regarda Léonor et songea que des demi-dieux étaient nés de paysannes de l’Attique. Elle poursuivait son idée.

— Votre mère devait être très belle ?

— Qui vous a dit cela ? C’est vrai.

Elle voulut gagner la gare toute seule, partir seule.