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UN CŒUR VIRGINAL

devenant frais, ils se serraient un peu l’un contre l’autre, les mains unies.

Léonor comptait les singuliers hasards qui, en si peu de jours, l’avaient transporté de Barnavast dans la forêt de Compiègne et du métier d’architecte à celui d’amant. Malgré que cela lui parût absurde et presque indélicat, il se mit, dans la voiture où il serrait la main crispée de sa maîtresse, à songer à sa promenade avec Rose.

« Rose, voilà la cause, mon âme. » C’est elle qui m’a mené ici, et non toi, pauvre amie qui rêves à mon côté. C’est elle qui m’a donné faim des baisers que je te réserve et que toute autre femme eût reçus à ta place… Oui, presse ma main, tu le peux, car je crois bien que je t’aime, en vérité. Je t’aime plus que le hasard, je t’aime plus que celle que je cherchais, puisque tu es celle que j’ai trouvée. Et puis l’odeur de ton âme parfumera tes caresses, n’est-ce pas ? Et puis tu seras égoïste ? Tu courras éperdue après ton plaisir et tu ne guetteras pas dans le frémissement de mes muscles la venue de l’onde élec-