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UN CŒUR VIRGINAL

nesse rieuse, devant le rire rauque du faune.

— Il était temps, dit-elle, quand la voiture les reprit pour les mener aux Beaux-Monts.

— Il était temps ?

— Oui, reprit-elle, malicieuse, j’étais ivre… Un peu de plus et je me serais couchée dans la mer des fougères, pour attendre mon destin… Mais il ne fallait pas… Non, pas aujourd’hui… Nous y reviendrons. Veux-tu ? Nous y reviendrons tous les ans… Ah ! il faut bien de la vertu pour résister aux conseils de la forêt !

— La vertu, dit Léonor, c’est de savoir différer son plaisir ou son bonheur… Je voudrais te voir nue dans cette mer odorante, nymphe, dryade ou sirène…

— Le veux-tu ?… Tu me rends folle…

Gravir la pente des Beaux-Monts apaisa leurs nerfs. La voiture, venue par la route circulaire, les attendait au sommet. Ils contemplèrent un instant des lointains que cendrait la brume.

Ils se laissèrent ramener par le vivier Frère Robert, la route des Brioleurs et la route de Soissons ; ils ne regardaient plus rien et, l’air