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UN CŒUR VIRGINAL

vivre que par le frémissement léger de leurs longues antennes. La femelle avait enfoncé sa trompe aiguë dans la fleur et le mâle, avec la sienne, semblait pomper de la volupté dans le col immobile de sa compagne. M. Hervart aurait bien voulu assister à la fin de cet entretien passionné, mais cela pouvait durer des heures encore ; il se découragea.

« Je sais d’ailleurs, songeait-il, que le mâle ne meurt pas immédiatement et qu’aussitôt dégagé il trotte, en quête de nourriture. J’aurais voulu voir le mécanisme de la désunion. Le hasard me donnera cela. Que l’on observe les bêtes ou les hommes, il faut compter sur le hasard. Il y a aussi les longues persévérances… »

Après un mouvement de tête qui voulait dire, sans doute, que les longues persévérances n’étaient pas son fait, il déposa doucement la fleur et ses amoureux sur le rebord de la terrasse. C’est alors qu’il s’aperçut enfin que Rose n’était plus là.

« Je l’aurai fâchée avec ma plaisanterie. C’était faux, d’ailleurs. Mais il y a des moments où