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UN CŒUR VIRGINAL

— Je me suis si souvent jeté à vos genoux !

— Eh bien, je cède à une ancienne prière, voilà, — et à mon désir, enfant, car je t’aime… Je n’ai pas fait souvent ce que vous auriez voulu ? Eh ! crois-tu que je n’avais pas la même volonté que toi ? Une femme est si peu libre, surtout en province ! Combien y en a-t-il qui oseraient faire ce que j’ai fait, le peu que j’ai fait ? S’égarer à la chasse, c’était bon une fois… Que j’ai eu peur, quand tu es monté à contrevoie dans mon compartiment, un soir, à Condé !… Oui, comptez, une fois, deux fois… Et dans ma chambre, que je fus obligée de raconter à Germaine que j’avais défait mon lit pour chercher mon chapelet… N’est-ce pas toi qui es mon chapelet, monstre ?… Cela fait trois… Non, ne comptons pas la voiture, cela fut trop malheureux… Mais je ne me suis jamais refusée à toi dans le haut du jardin ?… Il fallait venir plus souvent… J’y ai passé bien des après-midi à rêver à toi, méchant… Tiens, tu me rends sans pudeur ! Je suis contente ! »

Et elle prit la tête de Léonor qu’elle pétrissait à pleines mains, qu’elle baisait au hasard. Léonor