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UN CŒUR VIRGINAL

prit un soir à guetter la femme du garde de Barnavast, qui montrait ses jambes en se penchant sur le puits. Cela lui fit un peu honte, car cette grosse normande, jeune et fraîche, n’avait sans doute qu’une propreté de paysanne, tout extérieure, et il n’admettait la femme qu’à l’état de nymphe qui sort de l’eau, comme les compagnes de Diane.

Il s’aperçut d’ailleurs que Lanfranc, mais très sérieusement, cajolait cette commère. Certain de lui faire plaisir en s’éloignant pendant quelques jours, il se fit conduire à Valognes et prit le train pour Paris.

Léonor, sans prétendre à des conquêtes, aurait voulu des sortes d’aventures. Il souhaitait une de ces femmes qu’un mari imprévoyant, avare ou pauvre, prive des joies de la toilette élégante, ou qui, parées des prodigalités d’un amant, rêvent de donner pour rien ce qu’elles vendent pourtant de bon cœur. Il avait connu ces bonnes grâces équivoques, au temps qu’il habitait Paris. Il avait même enchanté pendant dix-huit mois une petite actrice fort agréable