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UN CŒUR VIRGINAL

« Il faut en finir. Ce soir, demain matin au plus tard, je parlerai à des Boys… Il se moquera de moi… Eh bien, voilà tout… Ensuite, il sera bien obligé de céder. Ma volonté, celle de Rose… Je l’enlèverai, je l’emmènerai à Paris… Est-ce donc ma première aventure ? Si c’est la dernière, au moins, elle sera belle. »

Alors, il entrevit les péripéties de cette entreprise romanesque. Naturellement, il louerait un compartiment afin de s’assurer une solitude propice. Ce ne serait pas la nuit, mais le soir. Après un goûter amusant et d’émouvantes caresses, Rose s’endormirait sur son épaule et, de temps en temps, il presserait son corsage, baiserait ses paupières. Elle serait, en ce moment, à la fois sa femme et sa maîtresse, la femme qui se donne, mais que l’on ne prend pas encore, le beau fruit que l’on regarde longtemps et que l’on manie délicatement dans tous les sens avant d’y porter les dents ou le couteau. Oh ! que Rose serait une créature d’amour agréable ! Que sa curiosité serait docile ! Quelle élève que cette maîtresse ! Quelle pâte d’heureuse