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UN CŒUR VIRGINAL

— Oh ! c’est très facile et M. Hervart ne s’en prive pas. Il me contredit, il me raille.

« Bon, pensa Léonor, elle aime Hervart : donc elle aime qu’on la contredise et même qu’on se moque un peu d’elle. Ou peut-être qu’elle ment, pour me faire croire qu’Hervart lui est indifférent ? Essayons d’une piqûre. »

— À son âge, cela lui est permis.

— Aussi je ne m’en fâche pas.

— Il est très bon, d’ailleurs.

— Oh ! très bon, et je l’aime beaucoup.

« Cela ne prend pas, songea Léonor. Hervart est un dieu pour elle et nous parlerions jusqu’à demain sans qu’elle comprît une seule de mes insinuations ou de mes ironies. »

Il continua cependant, cherchant parmi toutes les méchancetés qui peuvent se dire avec bienséance.

— Les vieux garçons ont souvent des manies…

— C’est ce que je lui dis souvent. Ainsi son goût pour les insectes… Mais cela l’amuse tant !

« Elle est invulnérable », se dit Léonor.

— Il connaît la vie, d’ailleurs. Il a tant vécu !