Page:Gourmont - Un cœur virginal, 1907.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
UN CŒUR VIRGINAL

à M. Hervart. Elle tourna la tête, interrogeant les étroites allées où tombaient quelques gouttes de soleil.

« Elle pense à son cher Xavier, se disait Léonor. Que pourrais-je bien imaginer qui fixât un peu son attention. Évidemment, mon discours l’a jusqu’ici fort peu intéressée. »

Un homme, si froid qu’il se veuille, si maître de soi que l’ait fait la nature, est peu capable de se promener seul à seul avec une jeune femme sans chercher à lui plaire. Il est très incapable également de conserver assez de présence d’esprit pour se regarder agir et ne pas faire de fautes. Mais, plaire ? Le peut-on par règles, et surtout à une jeune fille ? Les femmes ne sont guère capables que d’impressions totales. Elles ne distinguent pas, par exemple, entre l’esprit et l’intelligence, entre l’aisance et la force, entre la vraie jeunesse et la jeunesse apparente. Leur plaire, c’est leur plaire tout entier, et dès qu’on leur plaît, on devient pour elles l’animal sacré. Léonor eut une inspiration. Au lieu d’exposer ses propres idées sur les jardins, il se mit à