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UN CŒUR VIRGINAL

des nuances nouvelles que de s’ingénier à fondre en une seule teinte toutes les couleurs et toutes les nuances de la sensation et du sentiment.

Pareille à un musicien de village qui entendrait discuter contrepoint ou orchestration, Rose écoutait, un peu inquiète, un peu colère, et pourtant charmée. On parlait de ce qui lui remplissait le cœur, de ce qui tendait ses nerfs ; elle ne comprenait pas, elle sentait. Elle aurait voulu comprendre.

« Xavier m’expliquera tout cela. J’ai l’air d’une sotte au milieu de ces discours où je ne puis placer un mot. »

Elle feignit de désirer une rose trop haute pour sa main. M. Hervart se précipita, atteignit la fleur, se mit à dépouiller la branche de ses épines, de son excès de bois et de feuilles.

— Ce n’est pas celle que je voulais, dit Rose.

M. Hervart recommença, cependant que la jeune fille jouissait extrêmement d’avoir, par un caprice, interrompu une conversation sérieuse.