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UN CŒUR VIRGINAL

de beaux yeux bleus, doux et vifs, ardents. Mais que m’importe ? Je ne désire point les bonnes grâces de cette innocente. »

En même temps qu’il songeait ainsi, il avait répondu à M. Hervart :

— Je suis bien de votre avis. On tend trop aujourd’hui à confondre ce qui est curieux ou rare ou ancien, avec ce qui est beau. On a remplacé le sens esthétique par le respect.

— Cela était peut-être inévitable, dit M. Hervart. Cela convient, en tout cas, à une démocratie. On n’a pas le temps d’apprendre à admirer, on peut très vite apprendre à respecter. L’intelligence est docile. La sensibilité est rebelle.

— Est-ce qu’il n’y a pas, demanda Rose, des admirations spontanées ?

— Oui, dit Léonor, il y a l’amour.

— Alors, admirer, c’est aimer ?

— Quand on admire, si on n’aime pas encore, on est bien près d’aimer.

— Et aimer, c’est admirer ?

— Pas toujours.

— L’amour, dit M. Hervart, est compatible