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vaise humeur, enfin explosée, non calmée encore, craignait de blesser Hubert, de le faire saigner de trop de piqûres. Hubert, qui simulait la politesse attristée, souffrait une étouffante agonie. Lui-même s’était jugé, et Sixtine avait prononcé la sentence, avec quelles aggravations pour le misérable ! Incapable d’aimer, peut-être ; très sûrement, incapable de faire partager son amour. Nul mirage de sensation ne pouvait donc le tromper avec persévérance, avec assez de certitude pour lui donner le courage d’emporter à travers le désert, vers l’oasis, un fantôme d’amour vivifié par le désir ? Elle le raillait et il capitulait ; elle fuyait, il la regardait fuir.

Au bas de l’escalier descendu vite, le remords tira Sixtine par le pan de son manteau ; elle tourna la tête et quelques secondes attendit. Puis, secouant ses jupes, elle se hâta vers la voiture qu’à son arrivée sur le trottoir un gamin aux aguets faisait avancer avec de faux gestes d’obséquiosité. Profitant d’une nouvelle indécision le remords essayait de la séduire par de telles insinuations : « L’air est très doux, le ciel est clair, il serait agréable de s’en retourner à pied, tout en devisant. Ce pauvre Hubert m’en saurait gré et vraiment j’ai été un peu dure pour lui : il demande si peu ! Mais que fait-il ? » Elle écoutait : nul bruit de sortie du côté de la maison. « Comment, souffla la voix fluette et chuchotante de la Vanité féminine, mais vous avez l’air de l’attendre ! Quelle attitude pour une femme ! » Elle dit son adresse et monta en voiture.

Hubert était descendu pas pour pas, avec des arrêts