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Grande, bien prise et faite au tour, elle avait une peau blanche et fine, des yeux bleus, des lèvres fraîches et une longue chevelure blonde.

Marceline était laide, petite, noire de teint et de cheveux ; à la vérité elle avait des yeux très vifs, mais d’une couleur sombre et sans aucune expression tendre. On la prenait pour la gouvernante de sa sœur, et quelque fois pour sa femme de chambre, car, et bien qu’on ne fût pas assez cruel pour lui refuser de la toilette, elle affectait un goût pour les vêtements simples.

Marcelle avait déjà refusé plus d’un parti, parmi les plus avantageux, lorsqu’un jeune seigneur, nommé Lélian, toucha son cœur par ses bonnes manières, son titre, qui était celui de marquis, et sa fortune.

Le jour du mariage fut fixé, Lélian fit sa cour d’une manière fort galante et l’on ne s’occupa plus que des fêtes qui devaient marquer un si grand jour.

Marceline se garda bien de montrer aucun dépit de ce que la cadette se mariait avant elle. On la vit au contraire aimable comme jamais. Elle reçut avec une bonne grâce inaccoutumée le jeune marquis destiné à sa sœur, tout le monde lui sut gré de cet effort, et on commença de la trouver moins laide et moins déplaisante. Au milieu de sa joie même, Marcelle gardait toujours cet air hautain qui sied à une fille bien née, Lélian, ressentait pour elle plus d’admiration que d’amour et il n’était pas fâché de causer un peu avec Marceline. La « petite », ainsi qu’on la nommait dédaigneusement, lui parut bientôt plus intelligente et plus gracieuse que