Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Sixtine avait de la grâce et les contours s’accordaient selon le rapport voulu pour évoquer le mot de beauté. Blonds, les cheveux, et d’un vert doré, les yeux ; violente, la bouche et très blanches, les dents. Ah ! la bouche violente rompait l’harmonie, un esthéticien froid l’eût déclaré, mais, et preuve qu’Hubert était déjà la proie du désir, il en aimait la destructive violence, n’y voyait qu’une plus assurée promesse de plaisir. Les yeux faisaient un contraste de nonchalance et l’ensemble du visage vraiment avait de l’équivoque. À ce moment, Entragues tressaillit en un sursaut si excessif que des joueurs voisins restèrent le cornet en l’air et le six-quatre à la bouche. Les dés résonnèrent dans le cornet de cuir, Entragues assagit ses nerfs.

« L’équivoque, mais c’est la cause, c’est la cause mon âme ! L’équivoque versa le poison. »

Les yeux sur le va-et-vient des dés, il réfléchit :

« Oh ! allait-il prendre pour une sérieuse confession des paroles jetées par jeu, comme un volant, au vol d’une causerie ! N’était-ce point, vraiment, cette fois, la vieille maladie des noix vides ? Il sourit de lui-même, alla presque à se fâcher. Hé ! ne pas l’accuser sur un aveu, ne pas se montrer aussi dénué du critique qu’un accusateur public, mais ne pas lui dénier la virtualité criminelle. Quelle poupée pleine de son au lieu de sang, cousue de fils au lieu de nerfs, qu’une femme incapable d’un crime ! Autant dire incapable d’une passion ! Notre lâche civilisation, elle-même, absout les sanglantes conséquences de l’amour, épargne à de telles femmes l’i-