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V.— SUITE DES NOTES DE VOYAGE


LA LUNE PALE ET VERTE


« In hac hora anima ebria videtur,

Ut amoris stimulis magis perforetur. »

SAINT BONAVENTURE, Philomena.


Château de Rabodanges, en la chambre au portrait, 12 septembre.— Je suis reçu à mon arrivée par Henri de Fortier, directeur de la Revue spéculative, et Michel Paysant, dont les romans, pleins de corsages bombés et de regards caressants, charment les familles qui prennent l’impuissance pour de la chasteté. Fortier me nomme les autres invités du moment : personne de connaissance. Séparée du général, son mari, la comtesse Aubry emporte à la campagne, vers les fins d’été, son salon cosmopolite, où fréquentent les grands danseurs de la Littérature académique et mondaine. Le bruit a couru que Fortier succède, dans ses nuits courageuses, au député bonapartiste mort récemment, et avec lequel elle avait une liaison avouée : il se donne en effet des airs modestes d’amphitryon. Au dîner, quelques aristocrates des environs parlent de l’ouverture de la chasse, je ne remarque aucun visage intéressant que celui d’une jeune femme, blonde, aux yeux vifs, qui se tait