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ressentie par toutes les créatures sensibles en occurrences telles.

La lumière s’était retirée de lui : il se mouvait dans les déserts de l’étendue noire.

Nulle distraction n’est alors possible puisque le seul être d’où peut venir le plaisir s’est retiré du champ visuel, puisque l’âme génératrice de toute joie s’est enfuie, puisque les rayonnements ont péri, puisque règne la nuit de l’absence.

Il aurait vécu près d’elle, à la distance de quelques rues, sans un très grand besoin de fréquentation. La possibilité d’une rencontre, la certitude d’un accueil suffisaient à la vitalité de ses désirs. Ici s’érige la tyrannie de l’Esprit de contradiction et son immuable dédain de l’heure présente. À ce propos les moralistes ont toujours querellé l’homme : Tu ne sais pas jouir de la fugitive minute. Non, mais comment faire, car pour jouir de la fugitive minute il faudrait qu’elle suspendît sa fuite, il faudrait qu’elle existât. Or, c’est une notion vulgaire que le passé seul ou l’avenir ont une apparence d’objectivité : le moment ne se réalise jamais.

Hubert n’avait pas la liberté même d’aussi élémentaires déductions. Il souffrait comme un exilé, souffrance pure et à idée fixe. La jalousie n’en troublait aucunement les ondulations : c’était l’unique sensation de l’objet perdu. Sa joie tombée à la mer gisait sous les vagues mouvantes ; à chaque flot le diamant s’enlisait dans les sables plus profondément et la tempête n’était pas à prévoir qui le ferait surgira la surface, le roulerait vers la grève parmi les éternels galets.