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Si nous étions partis ensemble, d’abord nous ne serions pas partis du tout, car à quoi bon se mouvoir, puisqu’on demeure, en tout lieu, identique, à soi-même ; — ensuite, comme je sais à quoi m’en tenir sur les validités charnelles, je vous aurais ménagé d’irritantes surprises ; ensuite…— eh bien, mais n’est-ce pas mon droit de croire que moi seul je pouvais jouer le rôle ?

Avant d’avoir trouvé, en vos gestes, le tacite consentement de votre bon vouloir, — consentement bien momentané, à ce qu’il paraît, — mon amour déjà se parallélisait, incarné dans Guido della Preda. Son sort, à cette heure, m’inquiète sérieusement pour ses jours. Sixtine, vous avez un assassinat sur la conscience (cela fera deux), car si je n’en meurs pas, c’est que la mort de Guido m’aura sauvé la vie… Oui, il faut qu’il meure à ma place…

Je vous ai revue. La soirée se para d’une minute charmante, diamant unique dont le resplendissement n’a pas quitté ma nuit. Ce fut quand… non ceci est dur. Ah ! dans l’éclosion de cette pierrerie, il y avait tout un orient de fantasmagories psychiques. C’était plein de douceurs et de tiédeurs et de langueurs. De telles minutes n’ont pas de lendemain ; aussi vaut-il mieux ne jamais les avoir vécues. On court après leurs sœurs qui se promènent sur le cadran et cela peut mener loin, jusqu’au fond des enfers où de mornes suppliciés gémissent le nessum maggior dolore.

En d’ultérieures causeries, vous m’apparûtes telle qu’une amazone fière, intelligente et sensuelle.