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— M. Moscowitch est parti ce matin pour Nice. Monsieur veut-il son adresse ? Grand Hôtel des Deux-Mondes.

— Merci.

L’hôtel est bon, bien situé. J’y ai vécu une agréable semaine, l’autre hiver. Si j’avais pu prévoir votre décision, madame, je vous aurais recommandé la chambre que j’occupais, la vue y était délicieuse par les fenêtres ensoleillées. Hé ! il y a juste un an à pareille date. Ah ! me voilà tranquille !

Il remonta jusqu’au boulevard Saint-Michel, lentement sous l’impitoyable pluie qui, maintenant, tombait en fines et pénétrantes aiguilles.

« Imprudent, ce Russe, d’avoir donné son adresse d’avance ! Car enfin, je pourrais aller troubler d’un duel facile à rendre inévitable, la paix première de cette lune de miel improvisée. Ainsi, à minuit, elle me donne rendez-vous pour le lendemain soir chez elle et à cinq heures du matin elle s’abandonne à Moscowitch sur son lit en toilette de bal (le lit foulé, foulé, c’est assez clair), et à sept heures et quelque chose, les deux amants prennent le rapide pour Nice. Ou bien c’était concerté, et elle m’a leurré bien vilainement ; ou bien, comme je pense, il s’agit d’un impromptu et c’est faire bon marché d’une pudeur d’âme que l’on invoquait pour me repousser. Il est évident que Moscowitch l’attendait à la porte de l’hôtel Aubry, dans une voiture et qu’elle s’est laissée enlever. Ah ! c’est un adroit coquin. J’ai bonne envie d’avoir quelques détails. Si vraiment il avait suivi mes ironiques conseils ; si le plan que je lui