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« Cette journée sera horrible. Enfin, c’est pire que Guido, c’est pire que chez Valentine ! Une antécédence pareille est un viol. Et je me crois maître de moi, maître du monde extérieur, maître de cet univers, une femme, quand je ne sais même pas régler l’ordonnance et la suite logique de mes impressions ! Le mécanisme humain devrait m’être connu, et si les conséquences sont invincibles, les causes du moins, devraient subir ma volonté. Les saints, avec l’aide de Dieu, eurent ce pouvoir, mais Dieu s’est retiré de nous et à cause des Celses modernes nous a laissés, sans bouclier, exposés aux flèches du Péché. Toutes les heures sont son heure, dès lors, et nous lui appartenons tous : il a conquis le temps, l’espace et le nombre. »

Jamais Hubert n’avait senti, comme en ces moments, le malheur d’être un homme et de n’être que cela. Son orgueil, ruiné par la passion, s’écroulait comme un vieux mur, et couché sur les décombres, il se lamentait. Cette attraction qu’il avait raisonnée et combattue avec les armes logiques de son caractère, devenait la plus forte, le dominait dans la science et dans l’inscience. Il en était arrivé à ne plus penser ; son esprit n’évoluait plus qu’en de brèves déductions et le besoin de la sécurité le distrayait de l’observation juste. Durant ces décisives journées, où Sixtine allait, à n’en pas douter, prendre un parti, il limitait sa tactique à de brefs rappels de présence, au lieu de s’imposer directement et de barrer la route à toute autre survenance. Il était si facile d’éviter la visitation nocturne, en allant soi-même au-devant de la visitatrice :