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avait trouvé de plus convenable après des années de quêtes patientes.

Quand il rentrait chez lui, le soir, c’était, au milieu des répugnants assauts d’une armée de pierreuses et parfois un rôdeur ivre lui barrait l’étroite ruelle avec des injures et des menaces : Solange était content, car cela prouvait que la police était mal faite, que personne ne pouvait rentrer chez soi passé dix heures, sans risquer sa vie.

Une côtelette spongieuse, un cigare ligneux, de la bière aigre, une nappe tachée lui causaient une visible satisfaction. C’était ainsi : « Que voulez-vous, si l’on veut vivre, il faut bien accepter les inconvénients de la vie. »

Il lui était agréable d’être grugé par une femme qui, son gousset vide, devenait réfractaire à toute caresse, — comme dans Un Dilemme, et les amis qui avaient abusé de sa confiance, sciemment mal placée, lui étaient chers ainsi que des fautes d’orthographe à un maître d’école : cela démontrait une fois de plus les absolues règles de sa grammaire.

Il ne lisait que les journaux et, entre tous, les plus abjects, afin que rien ne troublât sa créance que nul n’écrit sinon pour gagner de l’argent et que plus une littérature est vile et menteuse, plus s’en régale le public, — tout le public.

Entragues suspendit son travail et songea : « Nous sommes presque d’accord, oui, presque, car moi, si je répugne à m’assoupir dans la joie et dans le contentement de mon cœur, ce n’est pas par une impuissance voulue et choyée. Je ne méprise pas la vie, je