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par de petites rues noires, frôlés par de rares passants, en silence.

Elle lui demanda s’il connaissait personnellement l’auteur de cette pièce si dissemblable de ce qu’on entend d’ordinaire au théâtre.

— Il est mort, dit Hubert, c’était le plus noble écrivain de ce temps.

La moitié de la jeune littérature le reconnaissait comme son maître et presque tous avaient été touchés de son influence. Il y avait dans son œuvre des pages d’une magnificence et d’une pureté de langue incomparables. Vraiment il donnait l’impression des deux âmes de Gœthe et d’Edgar Poe fondues en une seule et logées dans le même être.

Sixtine s’étonna qu’il ne fût pas connu davantage, mais Hubert l’assura qu’il l’était de ceux qui pouvaient le connaître. Les autres ne seraient jamais capables que d’acquérir la connaissance verbale des syllabes de son nom, et à quoi bon ? Il en allait de même de quelques autres contemporains que nomma Hubert, mais quand les voleurs de gloire auraient épuisé leur viager, ceux-là entreraient dans la maison, le parchemin d’immortalité à la main, en chasseraient les intrus. Peut-être qu’à l’heure actuelle d’autres encore, plus inconnus, gisaient dans une cave ou mouraient grabataires dont le nom demain emplirait le monde d’une lueur inattendue.

— Eh ! Madame, songez que Jésus, qui était le fils de Dieu et dont les œuvres et dont la parole semées dans le temps et dans l’espace ont donné quelques moissons, songez que Jésus mourut inconnu à