Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/222

Cette page n’a pas encore été corrigée

il avait songé à ceci : mettre dans une valise quelques livres, ses cahiers, ses notes, ses feuilles écrites et s’aller cacher, pour le reste de sa vie, en une maison bien close, sur le bord de la mer. Il la voyait, bâtie dans les dunes, entre la grève et les premiers arbres de la côte : nulle végétation tout autour que les herbes pâles, les chardons violets et les hautes ivraies des miellés ; la vue des clochers au loin, du côté de la terre ; de l’autre, la mer et un phare debout, au milieu des vents et des flots, comme un symbole. Les charrettes passent, pleines de varech, les chevaux et les hommes haletants dans le sable, attelés au labeur de la fécondation du sol, et lui les regarderait passer, attelé au labeur de la stérilisation des désirs. Vers les équinoxes, l’embrun des vagues poussées par la lune et par la tempête viendrait frapper à sa fenêtre, comme une aile d’oiseau, et les oiseaux viendraient aussi vers la lueur de sa lampe, et il ouvrirait à l’embrun des vagues et aux ailes des oiseaux. Il serait seul comme un monstre ! « Car nous sommes des monstres, mon pauvre Calixte, nous avons mis notre devoir hors de la vie ; l’âme loin des hommes, ainsi que les fabuleux dragons, nous veillons sur des trésors imaginaires, et nous le savons, et à ce néant nous sacrifions tout et même la vie ! Nous avons des cœurs d’anachorètes et nous voulons capter des femmes ! Ah ! si j’étais là où je dis, ermite dans mon rêve, solide cabane, je ferais ce que je ne ferai peut-être pas, une œuvre. Mais, n’est-ce pas, à quoi bon ? Tiens, je voudrais aussi, d’autres fois, m’arrêter dans une habitude, me livrer ponctuellement à