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Le second Théophile en a parlé sans l’avoir lu. Cela se comprend, s’il l’avait connu, pourquoi aurait-il passé son temps à l’expliquer. On ne parle jamais que de ce qu’on ignore ; parler de ce que l’on sait semble inutile : on s’y ennuie et on ennuie aussi. C’est pour cela que la critique est, le plus souvent, si déplaisante quand elle est bien informée, et, le reste du temps, d’une mollesse répugnante et vomitoire.

— Ainsi celle de Bergeron, dit Calixte. Pourquoi avez-vous accepté sa dilution de niaiseries sur Verlaine et sur Huysmans ?

— Comme réclame, mon cher, dit Fortier. Virtuellement, c’est imprimé sur les feuillets bleus des annonces initiales et finales.

— Il a de l’esprit, dit Renaudeau, cela amuse : il faut vivre. Cela nous a valu plusieurs abonnements motivés.

— C’est l’homme qui fait semblant, dit Entragues. Il est aussi incapable de sentir la poésie de Verlaine que moi, celle de Molière.

— Et puis, reprit Calixte il est vraiment trop dénué de principes. Après un éreintement, il vous offre très bien, quoi ? un autre article « sérieux, celui-là et selon ses vrais sentiments » . Il y a, comme dit Goncourt, des « cuistres badins » . Ah ! depuis Hennequin, auquel la précision de sa méthode et la sûreté de ses déductions faisaient pardonner un absolutisme de théorie un peu dur, je ne vois rien, — que ceux de demain, ceux qui parlent encore dans le désert. C’est pourtant intéressant de lire l’opinion motivée d’une intelligence sur les œuvres tant vieilles que neuves…