Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/206

Cette page n’a pas encore été corrigée

habillant de souquenilles russes, en leur donnant des noms en itch pour les hommes et en ia pour les femmes, avec quelques troïkas, de la neige, de la Sibérie, un pope ou deux, des policiers à casquettes plates, quelques angéliques putains, et un choix raisonné d’assassins darwinistes, on peut écrire des chefs-d’œuvre, de vrais chefs-d’œuvre, tandis que, voyez à quoi tient la fortune, ces mêmes loques, passées à la teinture française, les fabricants les plus recommandables, les plus notables commerçants en la matière, des hommes décorés, des gens qui ont des maisons de campagne à Ville-d’Avray, n’oseraient plus les mettre à leur étalage.

— Pourquoi ? demanda Moscowitch.

— Parce que cela ne ferai pas d’argent.

— Je crois, dit Moscowitch, que vous me raillez, en ce moment.

— Vous êtes riche, n’est-ce pas ? Alors la raillerie ne vous atteint pas. On ne peut pas, en France, railler la richesse, cette impiété vous est défendue par nos mœurs adulatoires. Cependant, si vous aviez du talent, le droit commun vous ressaisirait : jusque-là, soyez tranquille et marchez la tête haute. »

Ils entraient à la Revue Spéculative. La présentation de Moscowitch ne sema aucune curiosité. Fortier fut aimable et Van Baël, distrait. Cependant, lorsque, soufflé par Entragues, il eut déclaré : « Je veux régénérer le théâtre par la pitié, » les yeux s’ouvrirent et Renaudeau, égayé, le traîna sur la claie. Ce fut un des plus amusants cours d’histoire dramatique qu’on eût jamais professé pour l’instruction d’un