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matinées je me lis du Ronsard : le temps s’en va ! le temps s’en va ! Non, il dure, inutile et tenace.

J’eus, il y a quelques années, deux ou trois mois de répit.

Peins-moi, Janet, les beautés de ma mie.

Ce fut à partir en quête de ce portrait chimérique. Pourquoi Thomas de Leu ne l’aurait-il pas gravé ? Il n’a pas son second pour rucher une collerette empesée, pour allonger férocement une figure de ligueur, mignonnement un visage de princesse. Comme elle n’existe pas, cette image, et que je le savais, je la cherchai avec persévérance, car j’étais sûr au moins de ne jamais toucher du doigt la finale désillusion.

Mon cheval las, cependant fléchissait ; le désir d’un coup de fouet, lui cingla la croupe : je venais de rencontrer, dans la cour du Louvre, ma princesse peinte par Janet. À sa figure longue et pâle, à ses yeux en amande, à sa large collerette blanche, à sa taille fuselée amincie par un corsage en pointe, à son chapeau Marie Stuart, à ses gants gris, des gantelets, à un air Renaissance indéniable, je la reconnus et en devins amoureux.

Comme je suis fort régulier dans mes habitudes, les matins qui suivirent celui de la vision première, la princesse ne manqua pas de m’apparaître, toujours la même et toujours princesse. Elle entrait au Louvre, moi, malheureusement, j’allais à la bibliothèque, je ne pouvais ni m’arrêter, ni la suivre, de sorte que je fus longtemps avant de savoir si c’était