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Aucun trouble de cœur ne l’avait jamais empêché de dormir ; il remerciait le ciel de lui avoir départi des matinées lucides.

Plus il songeait, ce matin-là, plus s’amollissaient sous lui les sables mouvants de l’indécision.

S’étant mis mal à propos en mouvement, l’action lui avait été pernicieuse ; attendre, était stérile : c’est le semeur de cailloux qui, vers le printemps, s’attarderait le long de son champ, étonné de ne pas voir verdoyer les germinations.

« Eh bien ! se dit Hubert, on ne sait pas, tout arrive et spécialement l’absurde. Il me serait agréable qu’un miracle s’accomplit en ma faveur. Nous verrons ce soir, et, ajouta-t-il, en souriant de lui-même, les jours suivants. »

Pour gagner la nuit, et craignant encore la morosité des heures, il sortit, en quête d’occasionnelles distractions.

La rue était inclémente, les quais balayés par un âpre et humide vent se profilaient mornes sous leurs boîtes closes, spectacle défavorable, pour toute une série d’inquiets picoreurs de science, vraiment à la joie de vivre. Que deviennent-ils, en ces jours de chômage, les inconsolés vagabonds, amateurs de sottise imprimée ? Il en aperçut un qui, les yeux tristes et les gestes lassés, allait interrogeant le ciel, tenant bon sous la tempête, guettant une accalmie. Entragues le connaissait : c’était un vieil homme de lettres dont la vie se passait là. Aucun livre ne lui était étranger, il les entr’ouvrait tous, les saluait d’un sourire, mais n’achetait que ceux qui concernaient