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s’enténébrait. Des feux rouges, des feux verts, des feux jaunes éclataient sur le fleuve.

Alanguie sous ses parures, un peu bercée par le remous, une barque tardive s’avança et vint ranger le quai. Les pierres étaient toutes recouvertes de lourds tapis, ainsi que les pavés et les marches de granit jusqu’au trottoir où s’arrêta la voiture. Les porteurs de torches se déroulèrent vers la barque : à leurs flammes vacillées les ors et les pourpres des draperies s’allumèrent et l’eau du fleuve prit la couleur des grenats et des topazes.

Ils étaient seuls. Se tenant par la main, ils firent le chemin en silence, tous deux vêtus de noir et pareils à des ombres.

Dés qu’ils eurent mis le pied sur le bordage, ils se regardèrent et se sourirent. Ils partaient seuls, ils partaient ensemble, et pourtant ils virent dans les yeux l’un de l’autre la mélancolie des voyageurs.

La barque s’éloigna, les torches s’éteignirent : il n’y eut dans la nuit qu’un fanal de plus sur l’eau du fleuve.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Oui, dit Entragues.

Sixtine tressaillit.

— Oui, répéta Entragues, si vous m’aimez !

Sixtine continua :

— Voilà un récit traversé de bien des bavardages… C’est pour moi que je dis cela.

— J’en mérite ma part, reprit Entragues.

Et il ajouta intérieurement :

« Si vous m’aimez ! J’ai eu l’air de poser mes conditions,