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Les mois s’étaient rejoints et de la conjonction magique naissait et surgissait l’unité réelle contenue en leurs éléments.

C’était bien un funèbre appareil :

Trois cierges au chevet s’allumèrent et à cette lueur la blanche figure sembla sourire aux anges, comme les petits enfants dans leur berceau. Un grand crucifix noir apparut sous ses mains croisées ; des fleurs furent semées, des roses sur son sein, sur son ventre des lys et à ses pieds des violettes.

« Non, elle n’est pas morte ! criait Sidoine en allant s’agenouiller près de sa maîtresse. Dis tu n’es pas morte ? Ouvre les yeux, si tu me reconnais ? Qu’avez-vous fait ? Pourquoi ces lumières, pourquoi toutes ces fleurs, vous allez lui faire mal à la tête. »

Il y avait juste un an, au dernier 28 décembre, il était arrivé chez elle : c’était le même appareil funèbre et il avait dit les mêmes paroles, pleuré les mêmes larmes.

Il prit la main de la morte et l’approcha de ses lèvres, mais l’épouvante, d’un choc soudain, le coucha par terre : elle était froide.

Coquerette, ses grands yeux bleus grandement ouverts avait suivi avec stupeur les phases de la terrifiante vision. Elle savait l’histoire de Sidoine et comprit qu’un vent de folie d’amour avait touché son ami à l’heure même du poignant anniversaire.

La petite femme légère et rieuse sentit un frisson inconnu. Elle se leva toute palpitante, se jeta sur Sidoine, comme une lionne sur sa proie et le mordit à la joue.