Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/175

Cette page n’a pas encore été corrigée

des jetons de présence parfois et des jetons de baccarat souvent : le jeu était clément pour sa bourse et la Bourse pour son portefeuille. Elle ne le comprenait pas, lui, mais elle l’estimait beaucoup et ne le boudait pas plus de deux fois sur trois à l’heure matrimoniale.

Un mari, c’est un père, c’est un frère ; il baise sur la bouche au lieu de baiser sur le front ; il couche avec vous, parce que c’est l’usage ou parce que les appartements sont trop petits et s’il entreprend quelque visite secrète, c’est qu’il vous a sous la main et qu’il faut bien faire un enfant, ou deux, quand les affaires marchent.

Un amant, c’est un enfant, c’est quelque chose qu’on a créé soi-même, cela vous appartient, on peut jouer avec, on peut le dorloter, le bercer, l’embrasser, le battre, le consoler, le caresser, le mettre en pénitence, lui pardonner, le gronder, le priver de dessert, lui faire tenir les épingles quand on s’habille, l’envoyer se coucher à huit heures.

On redevient petite fille, on a une poupée : ah ! c’est bien différent.

Coquerette n’avait pas d’enfant, elle voulait jouer et Sidoine ne demandait pas mieux.

L’heure, pourtant, était grave : on allait passer de l’autre côté de la rivière, et il fallait se jeter à l’eau, nager vers l’autre bord, épaule contre épaule. Après, sur le gazon vert, on s’étend au soleil et revenu de son émoi, on a de jolis moments, on cueille de réjouissantes fleurs, et avec quelles délices on revient se baigner dans la rivière si terrible tout à l’heure,