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et pour n’avoir pas à discuter, à démontrer, par de la charlatanerie nécessaire, le mérite d’une œuvre.

Il gagnait peu, par indifférence, car il se serait facilement poussé à une situation lucrative dans le journalisme, mais il aimait, par-dessus tout, à travailler dignement et librement.

Chez lui, le dédain de la vie était naïf : il l’ignorait, comme on ignore la chimie analytique et ne se sentait pas plus de goût pour vivre, à la moderne, que pour s’enfermer dans une cave avec des cornues ; l’une ou l’autre de ces carrières lui semblait également absurde. Quelques figures de rêve, quelques créatures rencontrées entre les pages de Shakespeare ou de Calderon, quelques créations personnelles, suffisaient à peupler ses jours : il tenait ses illusions pour les seuls êtres qui ne fussent pas doués du triste esprit de contradiction, il les aimait, et il aimait Entragues et toutes les intelligences qui discutaient courtoisement et sans prolixité.

On le disait chaste comme un franciscain : il se défendait de ce travers. Une jolie et courte amourette ne lui déplaisait pas : il jouissait de la grâce de la femme, plus que de sa beauté, de ses enfantillages plus que de son sexe, tenait la névrose si aggravée par la complaisance d’écrivains détériorés, pour une maladie répugnante, anti-harmonique et fuyait les femmes brunes et maigres, qui flairent la chair fraîche, comme l’ogre.

Ils entrèrent, comme il était convenu, chez Entragues, qui lut à son ami le conte suivant.