et discrètes plaintes. Calixte était doux pour la vie qui ne lui avait pas montré la même clémence. Ce qu’il cherchait, hormis les jolies éditions des vieux poètes et les mystérieuses gravures modernes, on ne le savait pas : son dédain de toute gloriole était plus sincère que celui d’Entragues, chez qui l’hérédité déterminait un obscur besoin de domination sociale. Entragues s’ingéniait à mépriser la vie. Pendant de longs et injurieux comptes de tutelle, il avait subi, sans révolte extérieure, l’abaissement d’un emploi infime, l’horreur des fabrications obligées d’indigne copie pour des libraires avares : le hasard des procès l’eût dépouillé des reliques de son patrimoine, qu’il aurait consenti à une misère castillane plutôt que d’abandonner son rêve. Il voulait redorer son nom, et sidéré par la gloire, haïssait le présent, comme un obstacle, mais l’existence telle quelle lui était due, il l’aurait revêtue, ainsi qu’un manteau ducal, sans étonnement, avec la satisfaction d’un seigneur qui rentre en ses domaines. Il attendait ; rien ne l’aurait surpris, mais le rien, non plus, ne le surprenait pas : de là, les infinies contradictions de son caractère et de sa conduite. Il se connaissait et s’était appliqué, avec une joie qui montrait bien la triplicité de son âme, ce vers de Dante :
Che senza speme vivemo in disio.
« Et sans espoir vivre dans le désir. » Sa triplicité, division scolastique bien élémentaire, il l’expliquait ainsi : une âme qui veut, une âme qui sait l’inutilité