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— Dis plutôt que tout chef-d’œuvre psychologique contient un symbole.

— Peut-être, concéda Entragues. Alors symboliste signifierait fabricateur de chefs-d’œuvre ?

— Au moins c’est là un idéal assez intéressant et je crois que tu ne le désavoueras pas. Pas plus que moi, n’est-ce pas, tu ne te soucies du public : tu aimerais mieux plaire à dix choisis entre tous qu’à tous, à l’exclusion des dix.

— Évidemment. Nous ne sommes pas des histrions et les applaudissements ne nous feraient pas rougir de joie. Mais si nous n’écrivons ni pour gagner l’universel suffrage, ni pour gagner de l’argent, nous devenons vraiment incompréhensibles.

— Écris pour ta maîtresse, dit Calixte.

— Je n’en ai pas, dit Entragues.

— Écris pour la Madone de Botticelli, dit Calixte.

— C’est ce que je fais, dit Entragues.

— Belle et noble confidente. Te souviens-tu de ce que dit le page dans la Gitana ? Je l’ai su par cœur. C’est le portrait de notre maîtresse, puisque c’est celui de la poésie. Écoute-le dans la fastueuse langue de Cervantes : « La poesia et ùna bellissima doncella, casta, honesta, discreta, aguda, retirada, y que se contien en las limites de la discrecion mas alta : es amiga de la soledad, las fuentes la entretien, los prados la consuelan, los arboles la desenojan, los flores la alegran : y finalmente deleyta y ensena à quantos con ella comunican. »

Leurs entretiens finissaient souvent ainsi, par le rappel d’une impression ancienne, en de mystiques