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— Je veux dire, reprit Entragues, que vous lui plaisez. Mais elle l’ignore peut-être elle-même, il faut lui apprendre à lire dans son cœur. Souvenez-vous du mot de Mme Récamier à Benjamin Constant : « Osez, mon ami, osez ! » Vous ne connaissez peut-être pas les Françaises, mais croyez-en mon expérience, un peu de viol ne leur déplaît pas, je ne dis pas violence, viol : la main de fer gantée de velours peut jouer en amour un rôle décisif ; rien n’éclaire mieux une femme sur ses propres sentiments qu’un baiser qui va jusqu’au bout des baisers. Alors elle sait à quoi s’en tenir et neuf fois sur dix, elle aimera, par reconnaissance, l’audacieux qui l’a tirée de l’indécision. Notez bien ceci : elle court après sa pudeur, comme on court après son argent.

Moscowitch, très intéressé se rapprocha d’Entragues et comme pour s’approprier un conseiller si précieux passa son bras sous le sien, disant :

— Vous permettez ? Pardon…

— De la liberté grande ? Ah ! vous connaissez vos auteurs ! Je crois que nous allons devenir amis, je me suis senti, du premier abord, une grande sympathie, pour vous… C’est comme dans les tranchées, devant Sébastopol… Tenez, mon cher Moscowitch, moi, qui ne suis d’ordinaire bon à rien, qui ne suis doué que d’une bien modeste activité, je veux, au nom de cette amie commune, qui sera pour vous plus qu’une amie, je veux servir fraternellement vos nobles ambitions, Il faut que vous arriviez à tout : il faut que l’amour et la gloire couronnent votre génie.

Moscowitch respira amplement :