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sa grâce, son charme n’ont pas fait une bien vive impression sur vous. C’est surprenant.

— Pourquoi donc ? Toutes les sympathies d’un milieu ne vont pas nécessairement à la même femme, fût-elle d’une beauté et d’une intelligence aspasiennes. Le charme qui vous a séduit n’existe pas pour moi, ou n’existe qu’à un degré moindre, voilà tout.

— Ah ! vous raisonnez comme un très sage Français. Quant à moi, je me crois tout à fait incapable de raisonner sur ce point.

— Cela ne m’empêche pas, reprit Entragues, de rendre justice à ses qualités : elle est, comme on disait en un langage très simple, une femme accomplie. Ce mot qui implique tout et ne précise rien convient, car je la crois très flexible, faite pour se modeler comme le lierre au chêne où elle, s’attachera.

« J’espère, se disait Entragues, que je parle clairement et avec une suffisante abondance de lieux communs, mais je veux être compris. »

Après un court silence, Moscowitch prononça lentement ces paroles qu’il semblait se répéter à lui-même :

— Oui, je pense que je serai heureux avec elle.

Entragues domina son émotion et demanda d’une voix calme :

— Vous allez l’épouser ?

— Si elle consent, oui, tel est mon projet et mon plus vif désir. Elle ne dit pas non, et ne dit pas oui : je ne sais comment faire pour être fixé.

— Vous ne lui déplaisez pas.

— Non, n’est-ce pas ?