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ces obscures arcanes. Assurément celui qui pense domine celui qui ne pense pas et celui qui veut, même insciemment, la réalisation, même idéale, d’un groupe de faits, domine toutes les volontés qui, non prévenues, ne sont pas mises en défense, ne se trouvant pas prêtes à opposer volonté à volonté. Le monde matériel et inconscient ne vit et ne se meut que dans l’intelligence qui le perçoit et le recrée à nouveau selon des formes personnelles ; il en est de même du monde pensant qu’une intelligence supérieure englobe, façonne à son gré. Le conflit n’est jamais qu’entre les supériorités, et le reste, troupeau suit ses maîtres, qu’il le veuille ou non : ah ! la révolte est bien inutile.

Entragues se voyait donc arrivé à ce point d’intellectualité où l’on commence à se faire obéir : l’ordre, en apparence incoercible, fléchissait sous son rêve. Il s’agissait maintenant de maîtriser le rêve et de vouloir. Ceci était très différent : n’ayant jamais cultivé cette faculté, il ne la possédait qu’au degré rudimentaire. La méthode était claire, il aurait su s’en servir, il ne le pouvait pas, et le monde, sans aucun doute, lui échapperait. Son regret fut médiocre : ses désirs ne dépassaient pas la virtualité. Le monde idéal, tel qu’il le détenait, suffisait à son activité toute mentale et trop interme pour la lutte.

Il avait choisi la meilleure part : serait-il assez fou pour consentir à un troc désastreux ? Dans la sphère où il évoluait, tout lui appartenait : sous l’œil de la logique, il était le maître absolu d’une réalité transcendante dont la domination pleine de joies ne lui